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 Etats seconds à La Villette

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Kspr

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MessageSujet: Etats seconds à La Villette   Etats seconds à La Villette EmptyLun 13 Fév - 1:39

Etats seconds à La Villette
LE MONDE | 11.02.06 | 15h17 • Mis à jour le 11.02.06 | 15h17


xtase, immobilité, solitude ; transe, bruit et fureur : la Cité de la musique, à Paris, cherche en deux week-ends, ceux du 11 et du 18 février, à établir le continuum entre ces deux états seconds que la musique autant que la drogue peuvent induire. La dichotomie ravit Gilbert Rouget. Auteur de La Musique et la Transe, une somme inégalée, ce pilier de l'ethnomusicologie au Musée de l'homme à Paris dès les années 1950, s'est notamment penché, avec science et précision, sur les motifs à répétition des chants de novices des couvents vaudous au Bénin.


Gilbert Rouget, avouant son penchant extatique pour la Chaconne en ré mineur de Bach, "incroyable monument de perfection", n'a cessé de plaider pour la transe et sa diversité. Il s'appuie sur le Phèdre de Platon où le philosophe grec distingue quatre sortes de transes, les "manias" : divinatoire, érotique, poétique et rituelle, toutes intimement liées à la musique et dont, dit-il, " le dernier avatar est la beatlemania". Puis, la génération post-Beatles a inventé la rave, " une transe particulière, un état émotionnel authentique, quelque fois très largement simulé comme dans la transe de possession, car le côté théâtral de l'affaire est essentiel", ajoute M. Rouget.

Des yeux exorbités, de la bave blanche aux coins des lèvres, mélangée au sang animal bu, des gestes extrêmes : la transe est violente, prévenait le cinéaste Jean Rouch en prélude aux Maîtres fous, consacré aux rituels de possession de la secte des Haoukas, qu'il avait filmés à Accra (Ghana) en 1956. Cet étonnant film ethnographique pose les principes de ces orgies mystiques et organisées : à la fois cérémonials opaques et périlleuses comédies burlesques — chez les Haoukas, s'affrontent un général, un gouverneur, caricatures du monde colonial s'agitant dans le théâtre de divinités incarnées. Après la cérémonie, les hommes reprennent sourires et faces d'ange. "Ils ont trouvé, dit Rouch, optimiste, et que la cruauté des guerres intestines en Afrique démentira, des remèdes qui leur permettent de ne pas être des anormaux, des remèdes que nous ne connaissons pas encore."

Fakirs lacérés, tapis de braises, derviches tourneurs ivres, chamans égarés et fous de Dieu : le monde de la transe a pendant des siècles suivi une géopolitique rigoureuse — chemins africains, avec variantes imposées par la diaspora ; chemins arabo-musulmans, avec l'aide des confréries soufies, des poignards expiatoires aux cris de douleur du Tazieh chiite iranien, qui met en scène la mort d'Hussein ; chemins du Nord et de l'Europe, avec les processions de flagellants lors des Passions. Autant de manifestations qui " ne sont plus de mise dans le monde occidental", ajoute Gilbert Rouget.


HALLUCINATIONS AUDITIVES


La Cité de la musique préfère le supportable : l'extase. Elle propose un beau mélange des genres : après les chants des juifs yéménites mariés et les sonorités de Steve Reich, le public aura droit à une nuit indienne et à une nuit électronique, avec le fondateur de la musique répétitive américaine, Terry Riley. Quoi de commun entre ces univers musicaux si éclatés ? Du temps en pagaille et de la répétition à loisir. Le lien tissé entre Asie, Afrique et Occident passe ici par les Etats-Unis, et l'école répétitive (Riley, La Monte Young, Steve Reich...) qui influença considérablement l'univers du rock et les prémices de la techno — de Kraftwerk à John Cale (ex-Velvet Underground), de Can à Soft Machine.

Il n'est pas sûr que Steve Reich, né en 1936, ait pu encore assister aux rituels haoukas, déjà en voie d'extinction en 1956, mais il a étudié la percussion au Ghana. Puis il s'en fut en Israël dans les années 1970 pour y entendre des chants religieux séfarades. Il écrivit en 1981 Tehillim, répétition en boucle de mélodies calquées sur les psaumes, qui finissent par provoquer des hallucinations auditives. Son compatriote Terry Riley, né en 1935, visa l'Inde et l'improvisation comme John Coltrane. Riley fut l'élève pendant vingt-six ans de Pandit Pran Nath, mort en 1996. Comme La Monte Young, il se rapproche des ragas en boucle, sans limite de temps, menant vers un état second visant à rapprocher l'humain du divin. En 1964, en pleine ère psychédélique avec drogues attenantes, cannabis et LSD, Terry Riley compose In C (En do majeur), cent cinquante-trois motifs à répéter. La Cité de la musique présente cette oeuvre (avec l'ensemble Ictus et le compositeur), avant des chants d'extase du désert de Thar au Rajasthan, abandon, renoncement, langueur, adoration du seigneur Krishna et la voix profonde de Bombay Jayashri Ramnath, chanteuse de l'Inde du Sud, jamais entendue en France.

En deuxième semaine, Terry Riley sera rejoint à Paris par certains de ses camarades de l'école minimaliste américaine (Tony Conrad, William Basinski), ancêtre de l'électronique allemande, ici représentée par les joueurs d'ordinateurs Errorsmith ("forger l'erreur", pseudonyme d'Erik Wiegand) et Thomas Brinkmann, DJ de Düsseldorf qui met en boucle une phrase de Cioran : " Ceux qui n'ont pas conscience du temps ne s'ennuient pas. Et, au fond, la vie n'est possible que si l'on n'a pas conscience du temps."



Véronique Mortaigne

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Repères

Le programme d'"Extase et transe". A la Cité de la musique, 221, avenue Jean-Jaurès, Paris-19e. Mo Porte-de-Pantin. Tél. : 01-44-84-45-45. "Nuit indienne", le 11 février, à partir de 20 heures : In C, de et avec Terry Riley (voix et clavier) et Ictus, chants d'extase du désert de Thar (Rajasthan, Inde du Nord), musique instrumentale et chant dévotionnel carnatiques, avec Bombay Jayashri Ramnath (chant) et Srikrishnamurari Vadakkencheri (violon). 22 €.
"Nuit électronique" (avec la revue Octopus), le 18 février, à partir de 20 heures : Terry Riley, Tony Conrad et William Basinski ; à 23 heures, Thomas Brinkmann et Errorsmith. 17€.

Lectures. La Musique et la transe, de Gilbert Rouget, éd. Gallimard, collection "Tel", 621 p., 14,50 €.
Experimental Music — Cage et au-delà, de Michael Nyman, éd. Allia, 293 p., 23 €




Article paru dans l'édition du 12.02.06
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